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Archive for janvier 2010

Aïdah

 

Je levai un regard d’une couleur pourpre marbrée d’ambre sur le gris de l’horizon. Des larmes perlaient à la lisière de mes paupières fardées d’un noir cendré. Je me sentais tout aussi triste que le gris du ciel. Le brouillard tout autour de moi s’enlisait à mon humeur macabre. Des longues et lourdes branches des vieux arbres pendaient tristement dans l’eau silencieuse du sombre lac à mes pieds nus. Le paysage était à mon image.

                Le vent se leva, faisant s’agiter doucement les feuilles hérissées sur les branches, et je frissonnai ; je frottai mes mains contre mes côtes, tentant vainement de réprimer mes frissons. Je devais oublier mon corps, comme me l’avait apprit mon peuple, ne pas me plier à ses capricieuses requêtes ; « Endure, brave, oublie les sensations physiques que ton corps te fait subir. » Je ravalai et mes larmes et les frémissements sur ma peau, amère sauce dans ma bouche, et ôtai le mince linge qui me servait de chandail. Je relevai ensuite mes cheveux couleur charbon sur le dessus de ma tête, laissant ainsi à la liberté de tout œil mon tatoue, vertigineuse ligne qui partait de mon oreille gauche et qui faisait des spirales sur mes omoplates avant de venir courir sur mes épaules pour descendre faire le tour de mes hanches avant de finalement mourir sur le début d’une cuisse bien charnue.

Il avait une signification bien précise pour notre peuple : j’étais femme. Chaque fille de notre tribu se faisait sacraliser ainsi, au début de ses saignements. « C’est quelque chose de très important. Ça signifie qui tu es au plus profond de toi-même. » Il était unique, unique comme moi disait-on. Le fantaisiste du peuple l’avait fait dans un état secondaire ; de ce fait, personne n’en avait un pareil.

                Je laissai glisser mon regard sur la surface tranquille du lac ; seul le vent venait la troubler de quelques vaguelettes qui se brisaient contre la mousse verte des rochers. Je fis glisser mes mains sur mon flanc, appréciant le plaisir simple du toucher de mes doigts contre ma peau. Elle était froide mais douce, douce telle du satin ; je frissonnai à nouveau, de plaisir cette fois. Je laissai un petit sourire courir sur mes lèvres avant d’aussitôt le faire mourir de façon aussi brusque. Je n’avais pas le droit au sourire, pas quand mon âme était en deuil. La voir partir était trop horrible pour que je puisse seulement penser à quelques comiques situations.

                Des larmes de rage me montèrent aux yeux.

                D’un gracieux geste de la main, je fis descendre ma jupe le long de mes jambes, les leva une à une et laissa mon vêtement en tas à mes pieds. Quelques papillons ternes vinrent tournoyer autour de mon visage fermé. Je battis des paupières à plusieurs reprises pour chasser de mes cils les larmes qui s’y aggloméraient. Dans ma nudité totale et parfaite, je trempai le bout de mon pied droit dans l’eau, froide comme je l’avais présumé, puis, réprimant un vil frisson qui montait, y glissai mon corps en entier.

                Le lac était une cascade glacée enveloppant mon corps. « Endure le mal, sois forte. Tu es forte. » Je suis forte. Je serrai mes dents les unes contre les autres afin de brimer les frissons qui, tentateurs du Mal, désirait se balader contre ma peau. Je m’enfouis dans la source glaciale jusqu’au cou et nageai un peu ; je suis forte.

                Peu à peu, la nappe me parut moins froide, plus agréable. Je me tournai sur le dos et admirai les gris nuages au-dessus de ma tête, grosses boules s’alternant du noir au banc dans les cieux. Méditative, je fermai les yeux. Et maintenant ?

                Je sentis quelques gouttelettes se fracasser contre la partie de mon corps qui émergeait encore du lac. Comme si la pluie avait été le signal que j’attendais, je laissai enfin libre cours à mes émotions de s’échapper de mes yeux, toujours clos. « Tes humeurs doivent s’accorder avec le temps seul. Tu ne dois plus faire qu’un avec la nature. S’il fait soleil, sourit. Et s’il pleut, pleure avec le ciel. » Alors voilà, Mère Déesse me donnait enfin le droit de te pleurer. Je laissai mes larmes couler silencieusement, toutes celles que j’avais retenues depuis la dernière averse.

                Et soudain, je sentis un chaud rayon balafrer mon visage. J’ouvris les yeux, surprise que Mère Déesse changea aussi vite d’humeur.

                J’entendis un craquement à ma droite et, sur mes gardes, me plongeai à nouveau dans l’eau jusqu’au cou, prête à me laissai engloutir sous ses bouillons pour me cacher totalement. Me traquait-on ? Mais le silence était revenu, si ce n’était les bruissements de feuilles provoqués par le vent et les petits animaux. Alerte, mon corps était tendu, comme prêt à craquer à tout moment, à se fissurer sous la gelure de l’eau. Un nouveau craquement se fit entendre, plus proche cette fois. Je fis un tour sur moi-même, afin de surveiller mes arrières.

Et alors, je la vis, là, au pied de mes vêtements abandonnés sur la terre. J’étais ahurie, bouche bée, littéralement. Elle me sourit, je lui souris. Je ne savais que dire. « Quand tu n’as rien à dire, tais-toi. La nature ne supporte pas les bruits inutiles. » La situation pouvait se passer de mots. Un goût rance m’emplit la bouche, un goût de chair interdit, un goût qui nous avait valu son départ.

« Danaëlle… » Pensai-je. Elle ne pouvait, en toute logique, pas m’entendre ; or, un sourire s’étendit sur ses lèvres, comme si elle avait pu lire dans mes pensées. « Tu n’es pas un livre fermé, jamais. » Silencieuse, elle se déshabilla, laissant tomber ses vêtements sur les miens – des images défilèrent dans ma tête, vicieuse analogie – et marcha jusqu’à moi, bravant le lac sans provoquer une ride. Elle s’arrêta à quelques centimètres de moi ; son odeur d’encens fruité vint jusqu’à moi ; j’humai son parfum, l’esprit à présent troublé. Elle fouilla mon regard du sien, de ses immenses yeux d’ambre liquéfié en amande, toujours avec son mystérieux sourire aux coins des lèvres.

–          Aïdah….

–          Danaëlle … Je te croyais partie.

–          Je ne pouvais pas partir avant de t’avoir fait mes adieux.

Je fermai les yeux et inspirai, gonflant mes poumons d’oxygène. Voilà, on y était, la typique scène d’adieu larmoyante. Les larmes me vinrent aux yeux ; je les laissai dévaler mon visage, se mêler à la pluie déferlant doucement sur nous. Je comprenais enfin : Déesse Mère pleurait le départ de Danaëlle, mais ses rayons nous éclairant célébraient une dernière fois notre amour. « Tu ne fais qu’un avec la nature. »

–          J’avais peur que tu ne viennes pas. Je t’ai attendue. Je commençais à désespérer …

–          Chut Aïdah, ne dis pas de telle sottise, me coupa-t-elle en posant son index contre  mes lèvres.

–            Oh, Danaëlle, qu’allons-nous faire ? Que vas-tu faire ?

–            Je vais errer de terres en terres, jusqu’à trouver un clan qui veuille bien de moi.

–            C’est tellement injuste ! C’est moi qu’ils auraient dû punir !

–            Non : toi, tu es l’espoir du peuple. Moi, je ne sers plus à grand-chose, si ce n’est vous former.

–            Ce n’est pas vrai. Tu comptes beaucoup. Tu comptes pour moi ! Que vais-je faire sans toi ici ?

–            Épouser ton noble mari, éduquer tes enfants comme je te l’ai appris, Aïdah ; tu vas vivre.

–            La vie me semble bien amère si tu n’en fais pas partie.

–            Je serai toujours là, avec toi. Dans ton cœur, conclut-elle en posant sa main sur ma poitrine, vis-à-vis de mon cœur.

Je posai ma main contre la sienne ; des larmes roulèrent sur ses joues. Il était tout aussi difficile pour elle de partir qu’il était ardu pour moi de la voir nous quitter. Par ma faute. Le joug de mes méfaits pesait fort sur mes épaules ; c’était avec difficulté que je ne me laissais pas écraser par le poids de mes fautes ; je pensais à ses enseignements et alors « j’endurais mon mal en silence » ; je suis forte. Je levai la main et caressai tendrement sa joue.

–          Mon mentor … Jamais je ne pourrai t’oublier.

–          Moi non plus, Aïdah, moi non plus. Tu es si exceptionnelle …

D’un même mouvement, on brisa les derniers centimètres qui nous séparaient et, nos mains allant naturellement se loger tout contre un muscle, caresse du vent, nos bouches, tout en douceur, se retrouvèrent une dernière fois, mielleuse étreinte.

Puis je sentis son corps se ramollirent subitement, se laisser tomber sur moi. Surprise, j’ouvris les yeux et me libérai un peu, rien qu’un peu, de sa molle étreinte. Et elle tomba dans le lac.

Morte.

Une flèche était plantée dans son dos, vis-à-vis de son cœur. Du sang coulait de la blessure.

Je levai des yeux effarés sur l’orée du bois et vis l’homme qui m’était dédié, arc à la main, regarder dans notre direction. Un rictus mauvais retroussait ses lèvres. Nos regards se croisèrent. Je ne savais pas quoi dire, j’étais bouche bée. « Quand tu n’as rien à dire, tais-toi. La nature ne supporte pas les bruits inutiles. » Mais j’aurais voulu hurler. Le tueur de mon amante, mon mari prédestiné, me lança un regard de mépris et s’en alla, non sans ajouter un : « comme ça, c’est enfin finit votre mascarade. La danse est close. »

Et le hurlement guttural s’échappa enfin, me déchirant la gorge et l’âme.

Je suis faible.

« Danaëlle. »

© Matty R Core

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Veux-tu jouer ?

Je me joue de toi

La vie est une comédie

Joue le jeu

Joue avec moi.

Don’t you wanna play ?

Je ne te ferai pas de mal

C’est un jeu

Il faut jouer

À se briser.

Are you gonna play ?

Je prendrai ton coeur

Ce n’est qu’un jeu

Et je le détruirai.

Joue la comédie.

Simule le mal.

Pleure de fausses larmes.

Déjoue la réalité.

Tu es faux.

Totalement faux.

Do you wanna play ?

Je me je joue de toi

L’amour est comme un théâtre.

L’amour est une tragédie

L’amour est une comédie

Je ris avec toi

Je joue à rire de toi.

Je joue à jouer

Je suis sérieuse dans mon rôle

Je me joue de toi

Je jouis à jouer de toi.

L’amour est la tragédie

La vie est une tragédie

Et moi

Je veux une comédie

Je joue la comédie.

© Matty R Core

>> La vie est un théâtre qui ne finira jamais. Il faut toujours simuler nos émotions derrière un masque vierge.

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J’ai mal.

Sauras-tu panser mes blessures ?

Je me déteste. Je déteste ce que je suis. De l’intérieur comme de l’extérieur. Je suis le canard gris et laid dans la file de canards jaunes et jolis. Je suis l’excrément que personne ne veut, hormis les scatophiles. Je suis un déchet qu’on ramasse par terre par curiosité et qu’on rejette au loin par après. Je suis moi. Et vous, vous n’aimez pas les déchets. Et moi, moi je n’aime pas. Je n’aime pas l’enveloppe charnelle que je suis. Et j’exècre la personne intérieure que je suis. Je suis pourrie de l’intérieure et repoussante de l’extérieur. Je suis la mauvaise herbe qui pousse parmi les narcisses. Je n’ai pas d’affaire-là. Je gâche tout le paysage. Alors on m’arrache et on me jette. On me piétine dessus sans remords. On y prend même plaisir. Détruire l’inutile. Je me déteste. Je vous déteste, mais je me déteste encore plus. J’haïs mon corps. Je me mutilerais de bord en bord, sans remord. J’haïs ma personnalité. J’haïs mon caractère. J’haïs ce que je suis. Je suis mon pire cauchemar. Celui qui vous fait vous réveiller en sursaut et en pleurant dans une nuit noire. Oui, je fais peur. Je fais peur à en pleurer de rage. Je ne me souhaite à personne. Je suis le cœur du problème. Je suis ce qu’on cherche à se débarrasser. Je ne suis rien. Je ne suis rien que moi. Et on n’aime pas les moins que rien. Et moi, je me déteste.

Et je vais dire comme tous les auteurs : ce n’est qu’un texte.

© Matty R Core

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C’est le 1er janvier, tôt le matin. Nous amorçons les premières heures de l’année. On dit que les années impaires sont plus souffrantes. Nous avons tous – ou presque – galérés en 2009, pas vrai ? Ça n’a pas été une année facile. Et pour ceux pour qui ça l’a été, je vous emmerde. Votre vie doit être d’une platitude effarante pour que tout se passe toujours comme sur un petit nuage. Si tu souffres, l’objectif c’est d’être comme Beaudry : optimiste quoi qu’il arrive. Ce n’est pas facile, n’est-ce pas ? Je n’en serais pas capable. Je pourrais le mettre sur ma liste de résolutions de l’année. Être moins pessimiste. Ça part mal, n’est-ce pas ? Je démarre déjà dans la négative. Il aurait fallu que je dise : être plus optimiste.

C’est le 1er janvier, très tôt le matin. Je passe les premières heures de l’année avec quelques perles. Je suis dans un état second et K me fait écouter Putain Vous Ne M’aurez Plus de Saez. Quelle était cette idée ? Meilleur truc pour que j’aille immédiatement me tirer une balle en pleine tête. Mais sinon, c’est un bijou cette chanson. L’émotion te prend à la gorge, ça fait mal et tu te dis : enfin, enfin quelqu’un. L’amour est un voleur de coeur.  C’est un vendale. C’est une muse, c’est inspirant.

Ami, prends ma lanterne car j’ai perdu ma flamme
Mon amour est parti
Elle a jeté mon âme à bouffer au néant, me laissant le coeur vide
Elle a fait des fertiles, des averses,
L’aride
Et l’horreur du monde n’est rien comparaison
A ceux que l’amour fait, à ceux qui dans l’union
Pensent oublier qu’on est triste ici-bas
Et qu’ici solitude
Est le dernier repas

Elle avait les yeux noirs desquels on voit du bleu
Qu’on prend pour l’océan, dans lesquels on voit Dieu
Qui font toucher du bout des doigts les horizons
Mais toujours à la fin
On est seul au milieu des vagues de sanglots et du sel dans la gorge
Et du sel sur la plaie de ce coeur tatoué
A son nom que l’on crie au fond des verres de vin
A se dire que la vie
Oui, n’était qu’une putain

Ami, regarde-moi, j’ai le coeur qui renverse
La mémoire de ses yeux qui me colle à la peau
Et dans les bars du port, je cherche magie noire
Pour délivrer mon corps du sort qu’on m’a jeté
Et le sourire des filles, non, ne me fait plus rien
Et je commence à croire que les hommes
Qui ont pris d’autres hommes pour amour
Ont réglé la question, après tout, dis-moi
Qu’est-ce qu’elles ont de plus que nous ?
Si ce n’est cette force qui fait qu’elles vous oublient
Cette horreur au fond d’elles, ouais
Ce monstre qui crie quand elles vous font l’amour
Tu sais qu’elle n’oublient pas
Qu’il n y a qu’à la nature qu’elles ne tiennent parole

A tous ceux dans leur bras qui sont faits prisonniers
J’ai l’âme solidaire et puis ma sympathie à ces fous qui comme moi
Finiront pas la nuit
Je vous le dis, putains
Putains, vous m’aurez plus !

Que je meure à l’instant si l’envie me reprend
De remettre ma tête dans la gueule du serpent
De me laisser encore crucifier le coeur
Pour un joli sourire au parfum de leur fleur
Marguerite ou tulipe et de rose à lilas
Tu sais, l’ami, pour moi elles ont toutes ici-bas
Quand elles vous montrent le ciel, qu’elles vous disent qu’elles vous aiment
Elles ont toutes pour moi
L’odeur des chrysanthèmes
Adieu, les gentilles
Adieu, les j’en pleure
Adieu, les maudites qui ont pris ma lueur
Qui ont jeté dans le noir mes yeux et puis les tiens contre le chant du cygne !
Et les beautés ? Qu’elles crèvent ! Toutes !
J’en peux plus de ces jeux qui nous tuent
J’en ai marre de ce coeur, mon Dieu, qui ne bat plus
Et qui toujours s’incline au pied de fausses blondes
Qui nous mènent à la cime
Qui nous traînent à la tombe

Mais si l’amour est une inspiration incessante, certaines personnes le sont aussi. La personne concernée a immédiatement lu mon poème, sans s’en sentir visée ou interpellée. Peu importe. Est-ce vraiment important qu’ils sachent que j’écrive sur eux ? Qu’ils m’inspirent ? Je me le demande.

Vénus
qui scintille
là-bas
imposante
se pavaner
nous imposer
à foudroyer
Jupiter
vénération.

© Matty R Core

Je crois que je pense trop. Si seulement je pouvais mettre mon cerveau à off. Juste une journée. Ce serait un soulagement infini. Mais je continue de penser. Chaque jour c’est pareil : penser, penser et ne pas agir. Mes pensées s’agitent dans ma tête sans que j’y puisse quelque chose. C’est chaque fois un martyr. Je voudrais pouvoir mettre mon cerveau à off. Rien qu’une journée. Rien qu’une fois, cesser de penser. Mais cela n’est pas possible. Ils n’ont pas encore inventés une drogue qui stoppent nos pensées. Je crois que je pense trop. J’irais bien me coucher. Juste pour arrêter de penser. Mais même là, mes pensées me tiennent éveillée. Je devrais arrêter de penser. Mais je n’y peux rien. Je dois penser. C’est la seule chose que je sache faire : penser. Penser est un coup de couteau dans mon cœur. Chaque fois ça fait mal. Je devrais arrêter de penser. Ainsi j’arrêterais de souffrir. Mais les scénarios continuent à s’étaler. Je ne vis que dans mes pensées. Et si j’arrête de penser, vais-je aussi arrêter de vivre ? Je crois qu’il serait plus que temps que j’arrête de ressasser mes pensées. Voilà, je ne pense plus …. Enfin, je crois …

© Matty R Core

Alors, je vous souhaite le plus de bonheur possible en 2o1o pour masquer tous ces malheurs qui nous pleuvent dessus. Essayons d’être fort et de supporter cette surcharge de souffrances cachées. Courage, plus que deux ans à vivre !

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